Il est un film, à l'écran en Espagne depuis cette semaine, que personne ne pensait imaginable : Bon voyage, Excellence raconte les derniers jours de Franco, mort dans son lit le 20 novembre 1975. Dans une Espagne qui n'est pas encore au clair avec le régime du Caudillo, l'initiative constitue en soi un «vil péché» puisqu'il tourne le dos au traitement dithyrambique qui caractérise les rares évocations filmées du dictateur. Pire, le film se moque sans retenue du général Franco, dressant un portrait qui oscille entre le burlesque, le bouffon et le drolatique. Un patriarche à la Garcia Marquez, dont l'automne est revisité de manière irrévérencieuse.
L'auteur, Albert Boadella, brillant directeur de la troupe de théâtre Els Juglars, est un histrion qui aime s'attaquer aux mythes. Sur les planches, Boadella a déjà évoqué à rebrousse-poil trois héros catalans, le leader nationaliste Jordi Pujol, l'écrivain Josep Pla, et Salvador Dali. Cette fois, pour son premier film, il a ridiculisé le «généralissime des Espagnols», un authentique tabou ici, visant un cran plus haut. Résultat : malgré une comédie enlevée, talentueuse, un accueil froid, voire indifférent, de la critique et d'un certain public.
Rien n'a été facile dans ce projet. Boadella raconte volontiers que le tournage a été semé d'embûches : aucun curé ne voulait prêter son église et les obstacles administratifs se sont succédé. Sans compter que de nombreux distributeurs n'ont pas voulu de Bon voyage, Excellence dans leurs salle