Menu
Libération
Critique

Oliveira, indiscutablement

Article réservé aux abonnés
A 95 ans, il envisage le monde comme personne ne le fait plus : «Un film parlé» est un choc.
publié le 15 octobre 2003 à 1h23

D'abord le titre, Un film parlé. Comme si chez Oliveira, seul cinéaste en activité à avoir commencé sa carrière aux derniers jours du muet, en 1931, la parole n'était toujours pas d'évidence la partenaire de l'image. Les soixante-quinze premières années du cinéma parlant n'auraient été, dans le fond, que le théâtre d'un bras de fer entre l'image et le verbe, dont le maître de Porto, observateur avisé, daignerait enfin nous livrer le score : parole 1 ­ image 0. Ce serait oublier qu'il ne faut jamais croire Oliveira, 95 ans, sur parole. On serait elle, la parole, on se méfierait de ce sacre hâtif : à en juger l'état dans lequel on se surprend à écouter nos conversations à la lumière crue de ce film avidement parlé, Oliveira le Cannibale a encore mené son monde en bateau : Un film parlé est d'abord un film navigué.

Culot. Profitant de rejoindre son mari, aviateur aux Indes, une professeure d'histoire de l'université de Porto (Leonor Silveira, diaphane) et sa fille de 5 ans traversent la Méditerranée sur un bateau de croisière, occasion pour elle de fouler le sol de lieux mythiques qui n'existaient que dans le fantasme de l'historienne : Marseille, ancienne Massilia, Pompéi en ses ruines, Istanbul retrouvant son parfum de Constantinople, l'Egypte au pied des pyramides, escale à Aden, Arabie. Visites aussi émerveillantes pour elle ­ qui raconte l'histoire à l'enfant, en reprenant une à une les définitions de ces grands mots : mythologie, légende, civilisation, nature... ­ que déce