Il lui aura fallu faire d'autres films avant de réaliser celui-là, qui est pourtant une sorte de film originel. Un long détour avant de savoir pourquoi elle filme, et le filmer. Un détour éclairé par ce documentaire-là, Histoire d'un secret. Le secret d'une famille, celle de Mariana Otero. Elle a 5 ans et sa soeur Isabel, 7, quand leur mère, Clothilde Vautier, peintre, «disparaît». Pendant deux ans, on leur dit qu'elle est à Paris. Après, qu'elle est morte d'une appendicite. Elles oublient son visage, ses caresses. Le père enferme ses tableaux dans un placard, ses affaires dans une malle qui reste au beau milieu du salon. Il reviendra à Mariana d'ouvrir la malle et le placard.
Pour découvrir, au fond, un secret, rendu obligé par les tabous du moment. Février 1968, difficile d'imaginer qu'à quelques mois de Mai une jeune femme de 28 ans, mère de deux enfants, meure d'un avortement clandestin. Et que la honte d'une famille entraîne cet énorme silence. En quelques mois, quelques années, les choses se précipitent en France. En 1971, c'est le Manifeste des 343 salopes («Je déclare avoir avorté...») ; en 1973, la création du Mlac (Mouvement pour la libération de l'avortement et de la contraception) ; en 1974, l'adoption de la loi Veil pour la légalisation de l'avortement.
Pour les deux soeurs, le secret est resté, tenant lieu de lien familial, de lien étrange avec le père, la grand-mère et la mère morte. La révélation, survenue il y a seulement dix ans, Mariana Otero ne peut la ra