Entre l'école et le cimetière de Tribehou, il n'y avait qu'un mur. Et leur mère enterrée derrière. Il aurait suffi qu'au hasard d'une balade enfantine, d'une de ces courses folles qui laissent les joues toutes rouges, elles franchissent la barrière, pour comprendre que Clothilde n'était pas à Paris, occupée à peindre comme on le leur avait dit, mais sous une terre rendue compacte par le crachin et le silence bigot de Bretagne. Deux ans, elles furent de bonnes élèves appliquées à ne poser aucune question, momentanément confiées aux grands-parents maternels. Mémère, le soir, disait : «Tu te tais et tu dors.»
La rumeur de l'école fut la plus forte. Elles avaient 7 et 5 ans quand elles comprirent que leur mère était morte. Elles en avaient 30, quand elles surent pourquoi. A 40, Mariana fait un film du secret.
Entre les murs du salon chez leur père, il y avait une malle qui faisait office de table basse. A l'intérieur, les robes, les combinaisons, les soutiens-gorge de leur mère. On ne leur avait rien dit de cette intimité enfouie là. Si ce n'est de ne pas ouvrir la malle. Sur les deux portes du placard, il n'y avait pas de poignée. Toutes les toiles de Clothilde étaient à l'intérieur.
Entre elles, nées clinique de la Sagesse à Rennes, il y avait un grand silence. «On ne se parlait pas d'elle.» Entre elles, il y eut aussi des ruades de frangines. Longtemps. «On était dans l'opposition. Ça s'est durci après la mort de Clothilde. On courait après l'affection, on était dans une espèce