«Alors maintenant, dans ce milieu pourri, la parole d'un homme comme moi, c'est zéro ! Qui tu es toi, qui parles, qui parles, qui dis connerie sur connerie ?» Le coup de gueule de l'évadé Gus Minda (Lino Ventura, massif) dans le Deuxième Souffle vaut aussi comme définition du cinéma de Jean-Pierre Melville. Un cinéma où il est presque toujours question de truands et de flics, d'un milieu structuré par des règles où le mot «honneur» devrait toujours avoir un sens. Un cinéma où, au fond, il n'est question que de parole : celle que l'on exprime et celle que l'on cache, celle que l'on donne comme on engage sa vie, mais aussi celle que l'on trahit. D'où la méfiance de Melville pour le langage, les dialogues trop abondants, et son goût pour un cinéma où la parole va se réduire comme peau de chagrin.
Mécanique. Dans le Deuxième Souffle, le cinéaste est encore au milieu du gué qui le mènera vers l'abstraction radicale d'Un flic. En ce sens, le Deuxième Souffle est presque bavard. Mais les dialogues ont un but strictement utilitaire : on n'exprime pas ses sentiments, mais des faits, juste les faits, l'ironique commissaire Blot (Paul Meurisse, glaçant) reconstituant le déroulement d'un meurtre ou d'un braquage. Ce n'est pas un hasard non plus si la brillante séquence inaugurale est muette : Melville réalise ce qu'il appelait une pure «description d'action», aussi sèche et efficace que l'attaque du fourgon blindé. C'est le silence, toujours, qui accompagne la solitude de Gus dont la vie