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Libération
Critique

Dieutre, un songe en hiver

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Une évocation mélancolique de l'Allemagne dans le sillage du cinéaste et de son jeune filleul.
publié le 19 novembre 2003 à 1h57

L'oeuvre de Vincent Dieutre se scinde en deux catégories de films : ceux où il n'apparaît pas, ou quasiment pas, à l'image, laissant libre champ à des espaces vides (Rome désolée, Bologna centrale) ­ c'est sa veine Duras. Et ceux dont il occupe chaque plan d'une présence qu'il redouble de ses réflexions en voix off ­ sa veine gido-barthésienne (Leçons de ténèbres et ce Voyage d'hiver). De l'un à l'autre, il reste l'astre monomane, qui se donne à voir et à entendre comme un contemplateur traversé en continu par le cours de l'Histoire et le bouillon de sa réflexion intime.

Chambre d'écho. Dans Mon voyage d'hiver, Dieutre est l'omniprésent capitaine-chauffeur-guide-narrateur d'un périple qui le mène de Paris à Berlin en passant par Tübingen, Dresde, Weimar en compagnie d'un adolescent, Itvan, son filleul. Ce périple s'inscrit dans le sillage enneigé et crépusculaire du Winterreise que Schubert composa en 1827, année de la mort de Beethoven, un an avant de succomber au typhus. Le cycle des lieder est inscrit à même le film par des intermèdes en studio où l'on voit jouer Andreas Staier et Christoph Pregardien, pointures des schubertiades.

Le film, baigné de brume, de neige et de mélancolie Mitteleuropa, balaye un spectre indiscernable qui va des expériences impudiques de Vincent, homosexuel de quarante ans «passés» (comme il le dit non sans coquetterie dans le livret de la BO), aux blessures encore vives d'un XXe siècle allemand calamiteux. Une des forces du film est de nous donner