Elle est en avance. Il est en retard. Elle est attentive, anxieuse, accommodante et c'est comme si elle peinait à revendiquer son talent naissant et sa beauté voleuse. Il est prolixe, péremptoire, pétaradant et c'est comme si la vie était une splendeur à grimer en drôlesse, en diablesse. Elle est habillée de noir, pantalon et haut zippé, codes maîtrisés mais appâts gommés. Il est en costume de velours marron comme 68 les avait inaugurés, avec aussi les baskets délacées et la liquette prête à jaillir du pantalon. Elle s'est charbonné les paupières pour chagriner un regard que la maquilleuse nuancera, consolera. Il a un gros bubon sur la joue et s'en amuse : «Dès que j'ai fini un film, faut que ça sorte.» Ils sont très jeunes dans un monde où les vieux continuent à soigner leurs poussées d'acné. Ils jouent, magnifiques et très nus, dans le dernier film de Bertolucci. Ils sont des jumeaux, cinéphiles et manipulateurs, qui font exploser leur bulle incestueuse, en y incorporant un jeune Américain sentimental. On est à la veille de Mai 68 et ils anticipent le dérèglement raisonné de tous les sens qui sera l'honneur des années 70. Mais avec ce refus du tragique et de la culpabilité qu'il conviendrait de retrouver.
Ils fument beaucoup, tous les deux, comme dans ces lointaines années. Ils n'ont pas encore scotché des patchs d'hygiénisme ambiant, sur sa nervosité à elle, sur son insouciance à lui. Ils sont à l'aube de leur première fois, ils dansent leur premier tango de cinéma, mais i