Le premier mérite de ces «histoires de cuisine» est leur esprit de système. Rien qui ne soit exploré à fond, jusqu'à la moindre parcelle de signification, de haut en bas dans ce laboratoire qu'est le monde. Bent Hamer, cinéaste norvégien formé à l'école suédoise, possède cette ressource : ses lubies, rêveries douces et dingues, il les exploite jusqu'à les épuiser. C'est aussi, évidemment, la limite de Kitchen Stories : pareil systématisme donne l'impression de revoir dix fois le même film.
Le point de départ est un rapport scientifique et néanmoins farfelu : dans les années 50, durant le boom industriel de l'après-guerre, un groupe de savants du Home Research Institute veut rationaliser l'intérieur des maisons scandinaves. A savoir épargner à la ménagère, par une nouvelle répartition des meubles et des fonctions de sa cuisine et salle à manger, un maximum de déplacements. Citons le rapport qui donne au film son argument : «Jusqu'à présent, la ménagère parcourait chaque année la distance qui sépare la Norvège du Congo. Désormais, il lui suffira d'aller en Italie du Nord pour servir son repas...» Des normes sont établies, des modèles exposés : il s'agit de façonner un peuple de civilisés à partir d'une peuplade de barbares attardés.
Bent Hamer imagine une mission qu'il va suivre minutieusement : une dizaine d'observateurs suédois envoyés dans un village norvégien pour étudier la routine des hommes célibataires. Ces observateurs, qui vivent dans des caravanes high-tech posées dan