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Libération
Critique

Istanbul comme une bulle

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Taciturne et fantomatique, «Uzak» du Turc Nuri Bilge Ceylan.
publié le 14 janvier 2004 à 21h59

Une route et une petite mosquée, au loin, dans la lumière grise de l'hiver. Un homme marche avec un gros sac, la neige crisse sous ses pas. Il attend le car quittant son village pour gagner Istanbul où, comme lui, arrivent chaque jour des milliers d'Anatoliens misérables rêvant d'une autre vie dans la grande métropole du Bosphore où tout paraît possible. La caméra s'arrête sur son visage et ses mains, sur la neige et sur le paysage. Un seul bruit : celui du vent. D'entrée, le ton est donné. Ainsi commence à opérer la magie de ce film silencieux et lent qui a reçu à Cannes le grand prix du jury et un double prix d'interprétation masculine pour Mehmet Emin Toprak (Yusuf) et Muzaffer ÷zdemir (Mahmut), ni l'un ni l'autre professionnels mais remarquables d'intensité contrôlée.

Intimité forcée. Il y a donc Yusuf, immigré de l'intérieur qui monte à la ville et son cousin Mahmut, photographe de publicité désormais arrivé, qui habite un bel appartement d'un quartier du centre d'Istanbul. La coutume voudrait qu'au nom des liens du sang, ce dernier l'héberge aussi longtemps que nécessaire. Ce que Mahmut supporte mal, comme d'ailleurs il ne supporte plus personne dans son intimité. Ainsi commence un long face-à-face entre deux hommes pour une rencontre qui n'aura jamais lieu.

Il y a l'errance de Yusuf à la recherche d'un emploi et son émerveillement pour cette grande ville qu'il découvre peu à peu, alors que tombe la neige, transformant en silhouettes fantomatiques les minarets des mosqué