C'était le bon temps, le temps où la torture «ce n'était pas compliqué, comme aujourd'hui» parce qu'il n'y avait pas à en répondre devant la justice, parce que la «justice était militaire», donc du côté des tortionnaires. C'est un tortionnaire qui parle, un de ceux que Rodrigo Vasquez, jeune cinéaste argentin, a rencontré pour Condor : les axes du mal, un retour en arrière sur vingt ans de torture et de répression en Amérique du Sud, et notamment sur l'opération dite «Condor», du nom du rapace des Andes.
«Systématique». Une «opération» ou «une guerre dont personne ne connaît les règles» ? Une sale guerre qui voit le jour en 1974, au Chili, où le général Pinochet vient de renverser Salvador Allende, avec l'aide financière et idéologique de Washington. Une vague de régimes militaires balaiera tout le cône sud du sous-continent. A Santiago du Chili, Manuel Contreras, sinistre chef des services secrets du régime de Pinochet, réunit ses homologues d'Argentine, du Paraguay, d'Uruguay, de Bolivie, du Brésil...
Ils élaborent une coopération étroite pour «lutter contre la subversion» communiste, comprendre : éliminer, enlever, torturer les opposants de gauche aux dictatures, par-delà l'Atlantique parfois, jusqu'en Europe. «Un plan systématique de détentions illégales (enlèvements, ndlr), tortures, déplacements forcés de personnes, assassinats et/ou disparitions de nombreuses personnes, dont des citoyens d'Argentine, Espagne, Royaume-Uni, Etats-Unis, Chili et autres Etats, dans différen