Las Palmas envoyé spécial
Questionnez un cinéaste sur le film qu'il tourne et vous obtiendrez systématiquement la même réponse : celle d'un type préoccupé et noyé, qui, au moment précis de lancer enfin un plan, se sent si fatigué qu'il ne se rappelle plus pourquoi une cinquantaine de personnes sacrifient de leur temps pour l'hypothétique réussite d'un rêve si lointain... Certains tournages, malgré tout, gardent des allures d'aventure, jusqu'à laisser penser que quelque chose est susceptible de s'y passer.
Christophe Honoré un temps critique (il y a six ans, pour une chronique des Cahiers du cinéma), aujourd'hui écrivain (pour enfants et pour tous : trois romans, notamment aux éditions de L'Olivier, dont l'Infamille), scénariste (pour Jean-Pierre Limosin et Gaël Morel), réalisateur (Dix-Sept Fois Cécile Cassard) tourne Ma Mère, d'après le livre de Georges Bataille avec, dans les rôles principaux, Isabelle Huppert et Louis Garrel. Mais un Ma Mère 2003-2004, expatrié et anachronique filmé en partie dans les coursives du Yumbo, sorte de supermarché à ciel ouvert au coeur de Mas Palomas, sur les îles Canaries.
Le Cap-d'Agde et Munich. Le soir, au Yumbo, s'échange librement une marchandise cul essentiellement pédé, qui attire en masse la gent touristique allemande. L'endroit tient du Marais parisien (pour ses bars, backrooms et l'affichage débarrassé de toute clandestinité), du Cap-d'Agde (pour l'architecture béton) et de Munich (pour le plat du jour). S'y mélangent folles en cui