De film en film, la cinéaste russe Lidia Bobrova, 51 ans, développe son cinéma de la déglingue inventive, de la poisse loufoque, de l'accumulation éthylique, conforme à ce qui semble une vérité éternelle de la Russie profonde. Oh, vous mes oies !, son film de fin d'études au VGIK, l'Institut du cinéma de Moscou (1991), et Dans ce pays-là, primé dans plusieurs festivals il y a six ans, impressionnaient déjà par cet art de la divagation, de l'hétérogène. Des personnages authentiques y déambulaient, à demi fous, cramés par l'alcool, hagards dans un pays bien trop grand pour eux, reclus dans des maisons bien trop petites pour contenir leur fatras.
Baboussia reconduit cet univers excentrique, en s'attachant aux basques d'une octogénaire, petite bonne femme à fichu cherchant à finir son existence de paysanne sans enquiquiner sa famille qui l'oublie ou ses voisins qui la guettent d'un oeil suspicieux. Ses rencontres, faites d'un ramassis d'imbibés congénitaux, de copines rondes, vieilles et moches, de vétérans détruits par les guerres coloniales russes (Afghanistan, Tchétchénie), d'idiots du village et de fêtards, ne sont pas que curieuses et attachantes.
Elles composent plus profondément un film où, par contraste, la campagne russe verte puis enneigée acquiert l'apparence d'un personnage majestueux et mélancolique, où l'esthétique du bric-à-brac et du capharnaüm prend tout son sens. Baboussia est un film parcouru par une énergie primitive : il montre la Russie comme un foutoir indes