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Libération
Interview

Marco Bellocchio «Cet acte a changé le visage de l'Italie»

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Marco Bellocchio raconte l'affaire Moro, sa signification hier et aujourd'hui :
publié le 4 février 2004 à 22h47

Entre la mise en scène de Rigoletto pour l'opéra de Piacenza, sa ville natale, et un projet de film avec Sergio Castellito sur le rôle de l'Eglise, Marco Bellocchio revient sur l'affaire Moro, son déroulement, son «adaptation» au cinéma et sa signification dans l'Italie d'aujourd'hui.

En 1978, quand Aldo Moro est kidnappé, vous avez 39 ans : comment avez-vous réagi ?

Avec une stupeur totale. A cette époque, je ne faisais déjà plus de politique activiste. Mon militantisme a été très bref et s'est limité à l'année 1969. J'avais adhéré à l'union des marxistes-léninistes de tendance maoïste. Nous pensions alors que la révolution maoïste allait se répandre dans toute l'Europe, puis dans le monde entier. En Italie, nous attendions donc l'établissement d'une république socialiste... Après 1969, j'ai continué à avoir des sympathies de gauche, mais j'avais arrêté tout militantisme actif. En 1978, au moment de l'enlèvement de Moro, je cherchais d'autres voies, je m'intéressais par exemple à l'«analyse collective» théorisée par Massimo Fagioli. Le premier acte de la tragédie, l'enlèvement sanglant d'Aldo Moro, je l'ai vécu dans le plus grand accablement et sans la complaisance ni la satisfaction de bon ton qui régnaient alors dans les milieux d'extrême gauche.

Pouvez-vous décrire cette stupeur ?

Les brigadistes plus forts que l'Etat, on n'avait jamais vu ça. Cela dit, dans les rangs de la gauche, l'exaltation des premiers jours a évolué : 55 jours, c'est long. De nombreux intellectuels de gauche ont commencé à lancer des pétitions et des appels à la libération du président. Moro devait être à tout prix ép