Dehors, il bruine une pluie glacée, maussade comme l'hiver. A la station de métro Porte des Lilas, tout est sale et désert. Au revers d'un couloir interdit, on tombe sur une bande de jeunes, à l'entrée d'un quai. Ils font masse, sans un mot, le regard braqué vers le bas des marches. Dans ce silence de mort, on entend vaguement le murmure d'un type, dessous, par terre. La voix monte, sanglote, hurle... Retombe.
D'un coup, c'est comme si un courant mystérieux ranimait les corps et réveillait les gestes. La perche s'abaisse, le groupe se fragmente, dégageant la vue sur un grand mec mince, chemise blanche sous long manteau noir flottant. C'est Laurent Lucas. La maquilleuse se précipite vers une fille restée assise sur une marche, pour lui remettre du sang sur les mains : Irène Jacob. «La prise suivante sera sur elle», annonce Franck Eskenazi, le producteur (The Factory) de l'Automne, le thriller dont le cinéaste américain Ra'up McGee est en train d'achever le tournage. Elle, c'est Michèle, l'héroïne, qui va mourir là, assassinée.
«Beau de l'intérieur». Laurent Lucas s'est écarté, rejoignant l'abri RATP du fond du quai, transformé en loge d'artistes. Il vient d'achever sa dernière scène : la conclusion d'une aventure entamée il y a quatre ans et demi. «C'est Ra'up qui m'a apporté son scénario : un mélange de film d'auteur et de thriller, l'histoire d'un traumatisme qui réunit, des années plus tard, trois enfants ayant assisté à un crime. Régulièrement, il m'appelait pour me tenir a