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Libération

Le Rwanda chair à fiction

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publié le 18 février 2004 à 23h10

Kigali correspondance

La machette à la main, les miliciens chantent. D'un coup de grenade, ils font exploser le portail de l'école, s'engouffrent à l'intérieur. Les jeunes filles de l'internat n'ont pas voulu se diviser entre hutues et tutsies, comme le leur intimaient les miliciens. Elles seront toutes massacrées, sans distinction. Les scènes comme celle-ci, le Rwanda pensait les avoir définitivement jetées aux oubliettes. Mais alors que le pays s'apprête à commémorer, en avril, le dixième anniversaire du génocide de 1994, les fantômes du passé ne cessent de refaire surface.

Cette fois, pourtant, ce n'est que fiction. Depuis fin décembre, le cinéaste haïtien Raoul Peck, 50 ans, l'auteur de l'Homme sur les quais (1993) ou Lumumba (2000), tourne au «pays des mille collines» le premier long métrage international sur le génocide. «Lors de mon premier voyage au Rwanda, il y a trois ans et demi, j'ai été bouleversé, précise Peck. Chaque personne que j'ai rencontrée valait cinq films. Et quand je me suis rendu à Nyamata, l'un des sites où le génocide a été le plus atroce, j'ai atteint un point de non-retour. Il fallait faire ce film. J'ai alors posé mes conditions au producteur afin de montrer quels sont les mécanismes qui mènent à cette tragédie. HBO a accepté. J'ai aussi consulté mes amis rwandais, qui m'ont incité à y aller. C'était une condition sine qua non : la seule manière, moralement, de pouvoir faire ce film, c'est de raconter une histoire à travers le regard des Rwandais