Un soir, un train, deux hommes saouls et un cameraman qui ne doit pas l'être moins, si on en juge aux cadrages hasardeux qui captent le flot éthylique d'une conversation où il est question d'un certain Sacha. Il est peu de dire que, de tout ceci, nous ne pipons rien, encore que tout ne soit pas perdu : d'abord, on aura reconnu en la personne du Français au petit toupet sur la tête, coupe de cheveux qui lui donne un air burlesque pas désagréable, l'écrivain Emmanuel Carrère (la Classe de neige, l'Adversaire...). Le second, un type à forte gueule d'espion inconnu de nos services mais qui parle le français avec l'accent russe : on cerne rapido qu'il se prénomme Sacha sans que cela ne lui octroie le droit d'être le Sacha dont on parle. Il y a donc un Sacha 1 et un Sacha 2. Et même un Sacha 2, le retour s'empresse-t-on d'ajouter, si tant est qu'on soit au parfum, interpellé par ce mystérieux titre, couvercle d'un film qui, en dix minutes, l'air de rien (ou l'air bourré, ce qui ne vaut pas mieux) vient de nous embarquer tout ébaubis.
Circulaire. Quand il invite le spectateur à sauter dedans, Retour à Kotelnitch est un film qui a déjà commencé, il y a trois ans, au moins. C'est même un film sur le retour, au point que quand la voix d'Emmanuel Carrère détache chacune des syllabes de Ko/Tel/Nitch, il est tentant d'y entendre que ce retour se fera du «côté de Nietzsche», ce qui n'est pas faux non plus, du moins le saura-t-on plus tard, une fois que le film aura fait le tour complet de