Menu
Libération

Eugène Green, le baroque sur le «Pont»

Article réservé aux abonnés
Petites bougies et troupe élargie pour le nouveau film du cinéaste hors norme.
publié le 7 avril 2004 à 0h09

«Cela tourne», lance l'ingénieur du son avant chaque prise. Sur le plateau d'Eugène Green, on parle français, le plus beau, celui des liaisons, des accents marqués, où aucun mot n'est raccourci et toutes les syllabes dites. On est poli, on respecte les autres, discret sans arrogance. L'équipe, très jeune, s'affaire avec rigueur, oeuvre à la mise en place de la scène 35 du nouveau film de Green, le Pont des Arts. Il ne supporterait aucun caprice, mais il n'a pas à élever la voix, jamais : l'hystérie n'a rien à voir avec son baroque à lui, tout de mystère et de sérénité.

On se doutait qu'il devait y avoir un secret de fabrication derrière des films aussi originaux et réussis que Toutes les nuits (2001) ou le Monde vivant (2003). La preuve en est faite : ce n'est pas tant les bougies qui brillent sur le plateau, presque le seul éclairage, veillées amoureusement par le chef opérateur Raphaël 0'Byrne, ni l'insistance du cinéaste pour que ses acteurs articulent leur texte en vrai français («Ne te lèves-tu pas ?» au lieu de «Tu n'te lèves pas ?»), qu'un état d'esprit régnant sobrement. Une concentration sans chichi rarement admise sur les tournages. Eugène Green n'a rien à démontrer : la cinquantaine, les cheveux en boule et l'allure simple, il sait ce qu'il veut. Et il le fait naturellement.

Figures du mal. D'ailleurs, tout est écrit dans le scénario de ce troisième long métrage, 119 pages d'une histoire d'amour impossible, où, au début des années 80, deux jeunes couples bouleversés