Le cinéma s'exprime par les films mais pas seulement, il s'exprime aussi entre les films, il s'exprime d'un film à l'autre. Rien n'est plus émouvant, souvent, que ces hasards-là qui n'en sont pas, ces fausses coïncidences qui se parlent entre elles, au-dessus des films, de leurs projets et de leurs metteurs en scène. Entre The Brown Bunny, qui sort aujourd'hui, et Gerry, sorti le mois dernier, il y a manifestement la matière d'un dialogue : les films de Gallo et Van Sant ne font pas que se ressembler par d'innombrables aspects, ils se côtoient, se toisent et se tutoient.
D'abord, bien sûr, l'évidence des traits communs et pour commencer le plus terrible : l'infinie solitude. Le genre aussi : un grand film d'amour dans les deux cas. Ensuite, un certain narcissisme mâle et moderne, indéniable. Et puis les ressemblances de forme : l'extension mystique du plan-séquence, l'âpreté des décors naturels désertifiés, l'obsession contemplatrice de la caméra, la tentation expérimentale. Enfin, et par-dessus tout, le silence, le mutisme, l'énormité colossale des silences humains qui vident ces films de tout faux bruit pour les remplir de leur funèbre éloquence. Et c'est naturellement par ces silences que The Brown Bunny et Gerry tissent leur plus belle toile gémellaire.
D'une certaine façon, ils sont les deux termes d'une même alternative radicale. Ils paraissent surgis du même désespoir et du même désir : sortir du monde en l'arpentant infiniment. Ils semblent avoir trouvé les mêmes solut