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Critique

L'amour monstre

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Chronique implacable et subtile d'un fait divers, «Monster» s'enfonce dans les errances de la serial killeuse Aileen Wuornos. Et livre une vision désabusée de l'Amérique.
publié le 14 avril 2004 à 0h13

Le premier film de Patty Jenkins est plein de monstres : fanatiques religieux, flics véreux, yuppies méprisants, obsédés de toutes sortes. Il y a aussi Aileen Wuornos, la première «serial killeuse» identifiée par les médias américains, sept cadavres au compteur, condamnée à mort pour six d'entre eux et exécutée en 2002 à 46 ans, après douze années d'attente dans les couloirs de la mort. C'est l'une des réussites du film de rendre toute la complexité de celle qui apparaît comme le monstre le plus évident, puis de brouiller les pistes. Ni plaidoyer psychologisant ni témoignage à charge, Monster est un film incroyablement désabusé. Aussi bien par sa vision du monde, humain et absurde, que dans son portrait fouillé de l'Amérique.

Décavée. Peu connues en France, les errances d'Aileen Wuornos sont l'un des faits divers les plus retentissants de la fin des années 80 aux Etats-Unis. Fille de ferme probablement battue et violée, orpheline, prostituée dès l'âge de 13 ans, mère à 14 d'un bébé qu'elle abandonne, vagabonde, suceuse de highway, de plus en plus décavée, au bord du suicide jusqu'à la rencontre amoureuse avec Selby Wall, jeune lesbienne en rupture familiale. Le film est l'histoire de leur passion. La cinéaste a eu la chance de pouvoir puiser dans une longue correspondance intime entre la véritable Aileen, incarcérée, et une amie d'enfance pour écrire, seule, un scénario d'une rare intelligence. La rencontre d'Aileen et de Selby dans un bar gay de Daytona Beach, puis leur prem