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Libération
Critique

L'insolite «Silvia Prieto»

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Le deuxième film de Martin Rejtman, héraut de la nouvelle vague argentine.
publié le 28 avril 2004 à 0h23

Une jeune femme au téléphone: «Allô ? Silvia Prieto?

­ Oui.. Qui est à l'appareil?

­ Silvia Prieto!» Elle raccroche brutalement. Ce genre de situation mi-figue mi-raisin parcourt le film de Martin Rejtman. Il y a aussi un restaurant chinois à Buenos Aires qui s'appelle Tokyo, un hôtel minable à Mar del Plata à l'enseigne présomptueuse de «Super», un type qui portait enfant le surnom de «Pied-de-Lampe», une veste Armani jaune passant de main en main, une statuette de la Vierge en plastique, cadeau qui finira dans le ruisseau... Le style pince-sans-rire de Rejtman laisse le spectateur dans une sorte d'expectative sans objet, comme si l'on attendait un événement accordant à ces saynètes de la vie d'une poignée de trentenaires argentins un sens qui bien entendu ne viendra jamais.

Homonyme. Le personnage principal, Silvia Prieto, est une fille moyenne et néanmoins bizarre. Serveuse dans un bar, capable de dire à la fin de la journée le nombre exact d'expressos et de cafés au lait qu'elle a apportés, elle agit tel un automate qui serait doucement en train de se détraquer. Elle vit seule avec un canari, tente d'arrêter de fumer de l'herbe, unique distraction dans une existence morose. Son petit univers semble basculer le jour où elle découvre dans l'annuaire qu'elle a un homonyme, qu'elle considère sur-le-champ comme une usurpatrice qu'il faudrait éliminer. Elle se sentait insignifiante, certes, mais pas au point de devoir partager nom et prénom avec une autre.

«Mes films ne posent pas