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Libération

Le théoricien dans le texte

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Aperçu de l'«esthétique de la faim» chère à Glauber Rocha, dans des extraits de ses travaux jusqu'ici inédits en France.
publié le 12 mai 2004 à 0h35

Théoricien du cinéma autant que cinéaste radical et poète visionnaire, Glauber Rocha a laissé beaucoup de textes. Dont ces extraits inédits en français, que nous avons réunis autour de ses deux principaux films et de son idée phare, l'esthétique de la faim.

Le bandit. «A l'origine de le Dieu noir et le diable blond, il y a une poésie métaphorique, la littérature de cordel (des récits en vers, ndlr). L'idée du film m'est venue avec une certaine évidence, car toute ma formation a été faite dans cette ambiance. Il n'y a rien d'intellectuel dans ma position. Dans le Nordeste (l'une des régions les plus pauvres du Brésil, ndlr), on trouve une grande tradition de chanteurs de vers populaires, essentiellement des aveugles qui inventent des histoires. L'épisode de Corisco (le «diable blond»), personnage réel qui était cangaceiro ­ un bandit du Nordeste qui jouait parfois au justicier dans la bande de Lampião, le «roi du cangaço» ­, a été tiré de quatre récits populaires, et la séquence de sa mort suit le découpage précis d'une chanson. Quand j'ai discuté avec certains aveugles, et avec l'homme qui a tué Corisco et m'a inspiré le personnage d'Antonio das Mortes (un homme payé par le pouvoir pour tuer les cangaceiros), ils m'ont raconté la même histoire, mais chacun en mêlant à la vérité des détails inventés, comme dans les théâtres populaires, les cirques, les foires, où les aveugles racontent ces tragédies. C'est le cri révolté de la misère : «Je vais conter une histoire / De vérité