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Libération
Critique

«La vie» est un mirage

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publié le 15 mai 2004 à 0h38

Roulés. Ce n'est pas un point de vue critique mais un sentiment humain : on sort du film d'Emir Kusturica avec la très nette et détestable impression de s'être fait gruger. La faute à ce putain de talent dont le plus manouche des cinéastes serbes de Bosnie nous éblouit à chaque scène, ou presque, de La vie est un miracle.

Désunion. La vie, c'est surtout les rails d'une voie ferrée inachevée, qui sillonne les vallons herbus où campe toute cette très balkanique histoire. Depuis ces rails qui n'unifieront jamais le pays mais que toute une humanité baroque emprunte chaque jour, le film raconte une désunion. Celle d'un couple et de leur fils Milos, que la guerre de 1992 va séparer. La mère cantatrice, le père timoré et l'ado footballeur sont trois morceaux d'une famille (la Yougoslavie) décomposée par la guerre et qui chacun vont faire l'épreuve de sa folie.

Une folie à la lettre puisque, avec Kusturica, le cinéma est un ruban délirant et irrésistible : une ânesse amoureuse et suicidaire, un match de foot historique joué dans les brumes et achevé dans l'émeute, la conversation porno tarifée via satellite d'un militaire en manoeuvres, etc. Dans ce film comme dans tous ses précédents, Kusturica agit comme un ensorcelant joueur de flûte. Le charme avec lequel il nous désarme, puis subjugue, c'est cet éblouissant génie de l'image, de la scène, du mouvement. Un génie proprement musical, aussi, qui pourrait placer le cinéaste du côté des grands enchanteurs lyriques, comme Minnelli ou Fel