Comment politiser un festival comme Cannes ? La question n'est pas qu'un jeu de manche rhétorique. Les intermittents en font douloureusement l'expérience ces jours-ci en découvrant à quel point il est difficile de se faire entendre dans un univers aussi organisé, surveillé, hiérarchisé et forclos que le plus important festival de cinéma au monde. Nulle part ailleurs ne s'expose avec plus de décontraction l'arrogance financière des gros revenus de l'industrie cinématographique et à aucun moment elle ne semble à ce point ne devoir souffrir aucune contestation. Cette richesse, cette vulgarité aussi, est l'escorte vaguement folklorisée de la manifestation cannoise dans une ville où les commerçants, affolés à l'idée de ne pouvoir plumer librement le chaland, défilèrent sous les banderoles «Vive le travail». La montée des marches ritualise chaque jour la disparité des individus dans l'échelle des êtres. La violence symbolique qui sépare la vedette de l'anonyme est à la fois une fête et un ferment de désordre. Mais la fête est chaque année plus différée, mise sous cloche. Quant au désordre... Après tout, la plupart des révolutions sont nées de la trop longue exposition des sans-grades au spectacle éclatant des patriciens autocélébrant leurs privilèges. Mais c'est aussi que le cinéma ne porte pas (plus) à l'action publique : il envoie des stimuli politiques discontinus (l'Afghanistan ruiné de Terre et Cendres, la Palestine vaincue d'Atash, bientôt l'Amérique bushienne de Fahrenheit
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