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Libération
Critique

Ivres de la jungle

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publié le 19 mai 2004 à 0h41

Ce fut bien sûr une transhumance de troupeaux d'imbéciles vers la sortie, faisant claquer leurs fauteuils en signe de réprobation. Dehors et, par pitié, restez-y ! A la conférence de presse, l'équipe du film a dû encore subir l'humiliation des chaises vides et des questions navrantes sur l'homosexualité en Thaïlande. Pourtant, avec Tropical Malady, on tient enfin le frisson qui peut électriser un festival, donner à une manifestation, à son grabuge et ses vanités, sa profonde raison d'être. Car à n'en pas douter, de même que pour un Hou Hsiao-hsien, un Jia Zhangke ou un Kiarostami, c'est-à-dire pour une diaspora d'aristocrates de grande classe isolés dans leurs pays, qui ne doivent leur survie artistique qu'à leurs séjours sur le territoire cannois (et, dans une moindre mesure, à Berlin ou à Venise), il est important qu'Apichatpong Weerasethakul soit ici. Il avait déjà été repéré sur la Croisette avec son premier long métrage de fiction Blissfully Yours (prix de la sélection Un certain regard 2002) et sa présence en compétition officielle avec Tropical Malady ­ un chef-d'oeuvre, si les gros mots ont un sens ­ honore les sélectionneurs.

En métamorphose. Le film s'ouvre sur une citation du romancier Ton Nakajima qu'on cite in extenso parce qu'elle le résume à la perfection : «Nous sommes tous, par nature, des bêtes sauvages. Notre devoir d'êtres humains est de devenir comme ces dompteurs qui tiennent leurs animaux sous leur coupe et les dressent même à faire des tours contraires