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Libération
Critique

«Notre musique», Godard aux platines.

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publié le 19 mai 2004 à 0h41

Dix minutes d'enfer, une heure de purgatoire et dix minutes de paradis : le dernier Godard est un triptyque, peut-être un retable, sans doute une pavane et certainement un film. C'est Notre musique, titre possessif par lequel le film appelle notre appropriation et devient, volontiers, notre musique à nous.

Post mortem. Tout le monde l'aura compris : le thème, le motif, la matière du film sont arrachés à l'histoire (notre histoire) immédiate : cette guerre de Yougoslavie, passé proche qui, en Godard, ne passe pas. Le premier paradoxe que l'on peut observer est donc celui-là : Notre musique traite de la vie présente sur la Terre en se plaçant d'un point de vue post mortem et en hauteur, puisque l'enfer, le purgatoire et le paradis ne sont pas ici-bas. Mais là-haut ou au-delà : ils viennent après la mort.

Est-ce la position adoptée par Godard ? Le recul jupitérien, la distance presque olympienne qu'il imprime à son film en lui donnant ce rythme, cette trinité biblique, ne pose pas simplement la question d'une nouvelle tonalité démiurgique, voire mégalo, chez le cinéaste. Elle porte l'ombre plus grave d'un constat de disparition, une pulsion d'effacement. A travers le personnage central et tragique d'Olga, pas loin d'être son anagramme humaine, on pourrait lire les fluides d'un transvasement, d'une réincarnation à demi rêvée.

Mais qui est-elle ? Une cinéaste en herbe ? Une conscience politique, solitaire et égarée dans un monde perdu ? Ou une image du sacrifice ? Olga filme, interr