Tel-Aviv a un air de Rome suffocante ou de vieux Beyrouth en poussière. Ses rues sont noires et le sol est battu. Or est dehors. Elle n'attend pas le bus, mais ceux qui attendent sur la murette la connaissent bien. Le premier qui lui offrira une cigarette aura la chance d'aller avec elle, quelque part au fond du couloir. Or n'est pas une putain ; la putain, c'est Ruthie, la mère d'Or. Qui ne sait pas trop pourquoi elle va dans le couloir avec les garçons aux cigarettes. Sans doute parce qu'elle est comme une mère poule pour sa mère-la-pute, et qu'il faut bien, un moment, en passer par là.
Ruthie est sortie de l'hôpital. Elle a pour Or les yeux de l'amour mais ses yeux sont fatigués de la lumière des réverbères. Un autre travail n'est pas la chose la plus facile à trouver quand le monde s'est réduit à un espace peau de chagrin, grand comme deux ruelles et une barre d'immeuble. Ruthie n'attend même plus de signes du type qui lui avait promis de venir chez elle, un soir, dîner aux chandelles. Alors, Ruthie met une minijupe et se maquille.
Rendez-vous manqué. Ido a 16 ans et demi, six mois de différence avec Or, qu'il aime éperdument, aussi fort qu'un ado qui travaille dans le snack de ses parents peut aimer sa petite voisine en or. Et Or l'aime aussi. Même quand elle choisit un garçon aux cigarettes, même quand il faut descendre à l'étage en dessous, chez le propriétaire, régler le loyer alors qu'il n'y a pas d'argent en poche. Alors, Or, un matin, oubliera son rendez-vous avec I