Avant que le soupçon ne s'insinue, le dire haut et fort : Clean est magnifiquement mélodramatique. Comme un vrai mélo familialiste de la Warner ou comme un Douglas Sirk catapulté ici et maintenant, le flamboyant en moins, la brûlure existentielle en plus. Clean, c'est aussi le rebond d'un cinéaste après les turbulences d'un film important par ses concepts et sa théorie, le mal-aimé demonlover, qui filmait avec témérité le désarroi dans lequel nous plongent les flux d'images et leur angoissant ruban de virtualité. Le film fut manqué par la critique, recevant à Cannes en 2002 une bronca cruelle, avant de connaître, avec le temps, une réévaluation lente mais inattendue. Avec Clean, Assayas démontre qu'il sait aussi faire des films tendus et sobres. Pourtant, ce mouvement du cinéaste n'est pas à lire comme une bifurcation ni une régression, mais comme la preuve d'une nouvelle cohérence donnée à sa trajectoire.
Une rescapée. Parce que l'autre film d'Assayas auquel Clean fait prioritairement penser, c'est Désordre, son premier. D'ailleurs, les titres eux-mêmes se font écho et dessinent comme une opposition stéréophonique. De Désordre (1986) à Clean, il s'est passé dix-huit ans : le cinéma d'Assayas est désormais majeur. Et ses personnages irrévocablement confrontés à l'âge adulte. Pour Emily, c'est l'évidence : la lady héroïne qui habite presque chaque scène de Clean pourrait être une rescapée de l'hécatombe rock et sentimentale par laquelle Assayas entrait en cinéma.
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