Youssef Chahine fume comme un pompier, ne mâche pas ses mots et vous embrasse comme s'il vous connaissait depuis vingt ans. A 78 printemps, le plus grand cinéaste égyptien revient à Cannes pour présenter demain en clôture d'Un certain regard son nouveau film autobiographique : Alexandrie... New York, évocation festive mais parfois amère de son amour d'adolescence avec une Américaine. Et de sa relation compliquée avec l'Amérique.
Pourquoi avoir attendu soixante ans pour revenir sur votre jeunesse aux Etats-Unis ?
Ce film n'est pas testamentaire, il parle du présent. C'est la situation politique actuelle qui m'a décidé. Le rêve américain que j'ai connu il y a soixante ans a tourné au cauchemar. J'ai vécu deux ans en Californie dans les années 1940, j'ai étudié là-bas à l'école de cinéma de Pasadena avec des professeurs magnifiques. J'y ai connu mon premier amour. On m'a accueilli à bras ouverts, on m'a donné les plus grands honneurs, on m'a dit que cela valait la peine d'enseigner à un étranger, à un «singe» qui venait d'Afrique. L'an dernier, mon assistant qui se rendait aux Etats-Unis a été interrogé pendant trois quarts d'heure à la douane. Parce qu'il porte la barbe...
Vous en voulez aux Américains ?
On ne peut les blâmer que pour une seule chose : comment ont-ils pu élire un crétin congénital, au manque d'éducation incroyable ? Ce Bush est un fanatique total qui appartient à une secte : il est soutenu par 5 millions de Born Again Christians. Il a de la chance, j'aimerais bien