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Libération
Critique

Splendeur empoisonnée

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publié le 21 mai 2004 à 0h43

Le pli semble pris par le Festival de Cannes et c'est une bonne nouvelle : le film d'animation se construit un petit nid régulier sur les branches prestigieuses de la compétition officielle. Après le très américain Shrek 2, voici le nipponissime Innocence, fable hyperbolique et hallucinée, certainement le cybermanga le plus attendu des kids mondialisés et peut-être le premier manifeste de la pop culture digitale.

On pourra toujours s'effrayer de la densité philosophique obscure vers laquelle Innocence nous projette dès son incroyable introït. On aura tort : si ce second volet du cultissime Ghost in the Shell multiplie en effet les références lettrées, ce n'est jamais sur un registre humiliant, cuistre ou indigeste. Lorsque Mamoru Oshii, revenu à l'animation pure après l'intermède Avalon, organise un grand remix décadent qui enchaîne l'Homme-Machine de Julien Offray de La Mettrie à l'Eve future de Villiers de L'Isle-Adam, la marionnette de Kleist à la poupée de Bellmer, la fille de Descartes au Locus Solus de Raymond Roussel, c'est surtout pour tapisser d'un substrat poétique d'élection toute son architecture utopique, cette chapelle Sixtine prophétique et cyborg qui forme la maladive splendeur d'Innocence.

Matraquage rétinien. Parce que oui : Innocence est un pur matraquage rétinien. D'ailleurs, excepté Mamoru Oshii, on ne voit que les frères Washovski (Matrix) pour assumer aussi bien aujourd'hui la dimension de défonce scopique que le cinéma nous promet depuis au moins Abel G