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Libération
Critique

«Oh, Uomo», l'oeil scalpel

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publié le 22 mai 2004 à 0h43

Prenez un festivalier. Usez-le jusqu'à la corde. Laissez-le mariner dix jours sous un mélange d'huile solaire, de moutabal libanais et de gin-fizz. Empêchez-le de dormir. cassez-le, à tout et n'importe quoi. Rendez-le fou, aveugle, impotent, vide et saccagé. Massacrez-lui les nerfs et la peau. Scalpez ses cheveux, arrachez-lui les ongles. Attendez l'aube (ou pas loin : 9 heures du matin) du onzième jour, lorsqu'il a enfin les paupières brûlées, le cerveau cramé, les veines des deux bras enflées. Ce n'est même plus un humain accrédité, il est en dessous de l'état végétal. Il est prêt.

La projection du dernier Gianikian peut commencer. Oh, Uomo est son titre. Et c'est un bon titre, un peu comme du Nietzsche laissé esbaudi par l'absurde de la condition humaine. C'est surtout le seul possible, à vue de nez, pour résumer cette heure et dix minutes d'un nouvel assemblage d'images d'archives étiré en séance d'hypnose collective.

Sécrétion. Les Gianikian, depuis vingt-cinq ans, pratiquent cette médecine alchimique, invention tirée des possibles du montage, d'un monde flottant dont le film n'est plus qu'une dernière sécrétion. Pourquoi celui-là est-il leur plus beau film depuis l'opus sommital Du pôle à l'Equateur (1987) ? D'abord parce qu'il donne son prolongement aux recherches menées depuis 1995 sur l'homme en tant que catastrophique animal de guerre. Mais pas seulement : passé une demi-heure en funambule à traquer l'inconscient de l'Italie mussolinienne des années 30, avec ses rêve