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Libération
Critique

Stephen Dwoskin, le soufre et la douleur

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A Côté Court, à Pantin, intégrale rare de l'oeuvre de cet Anglais marqué par ses expériences masos.
publié le 9 juin 2004 à 0h58

De visage, Stephen Dwoskin ressemblait, dans les années 70, à un croisement entre Léaud et Mocky. Aujourd'hui, il rappellerait plutôt Kaurismäki. Dwoskin a, plus que tout, filmé les visages : un peu le sien, beaucoup celui des femmes, des grandes tiges brunes à franges, avec un faux air de Polly Magoo. Des beautés solitaires et lascives qu'il scrutait en très gros plan, comme si sa caméra était du maquillage sur leur peau. Ces portraits-films étaient brefs, quelques minutes, une demi-heure, à peu près le temps d'une relation sexuelle.

Proie. Quand ces films se faisaient plus longs, ils racontaient des histoires d'amour d'un genre plutôt compliqué. Et dont Dwoskin était souvent le héros souffrant. Evidemment, filmer des filles d'aussi près équivaut à jouer à un jeu dangereux : on croit tenir sa proie, et soudain elle vous dévisage à son tour. Serge Daney différenciait utilement voyeurisme et pornographie : vous épiez quelqu'un qui ne vous voit pas, c'est du voyeurisme ; cette personne croise votre regard et se met à en jouer, cela atteint le pornographique. C'était à propos de Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock.

On repense à cet Hitchcock-là à chaque fois qu'on retombe, bouche bée, devant les pièces maîtresses de Dwoskin, Alone, Naissant, Moment, Chinese Chickers, Take Me ou Dirty, peut-être la plus foudroyante. C'est que, tel James Stewart dans Fenêtre sur cour, Stephen Dwoskin vit désormais sur un fauteuil roulant. Il a contracté la poliomyélite à 9 ans. Et s'est mis à faire