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Libération
Critique

Echappée poétique

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Entreprise périlleuse mais réussie, l'évocation de Matthieu Messagier, poète en fauteuil roulant : «le Dernier des immobiles».
publié le 16 juin 2004 à 1h05

L'entretien s'annonçait compliqué : Nicola Sornaga avait prévenu plus tôt, par téléphone, qu'il était «inadapté à tout». On serait donc deux. Pour le lieu du rendez-vous, ça aurait dû être facile, le cinéaste ayant choisi un café tout ce qu'il y a de plus central dans un quartier connu de nous deux... Encore raté : on a attendu au bar d'à côté. Il n'est pas dit, cependant, qu'on ait eu tout à fait tort. Là, on a pu s'attarder sur le spectacle surréaliste d'un manchot menant tambour battant, clope au bec, une partie de flipper d'une heure vingt. Deux bras cassés, un manchot, une boule de flipper qui roule... Qui dit mieux pour introït au Dernier des immobiles, coup de coeur du moment ? Un film impossible à étiqueter, un premier, fauché ça va sans dire, sur un poète aussi génial que méconnu, Matthieu Messagier, «dernier des immobiles» puisque cloué sur un fauteuil roulant depuis trente ans. Dites cela et il y a peu de chance qu'il reste encore quelqu'un dans la salle. Pourtant, si le Dernier des immobiles est un premier film, il l'est de la même façon que l'on dit d'une matière qu'elle est première.

On n'est pas les premiers à le dire : après avoir été sélectionné à Venise et avoir raflé le prix du public à Belfort, le Dernier des immobiles a reçu les suffrages tout ébaubis de Nanni Moretti, Philippe Garrel et André S. Labarthe, ce dernier comparant le film de Nicola Sornaga à l'Age d'or de Luis Buñuel lui-même.

L'homme-enfant. Nicola Sornaga n'a pas 32 ans. Il en avait 27 en 19