Il serait maladroit, devant le fim de Gaël Morel, de hurler au chef-d'oeuvre. Le film, imparfait par essence (il fait de l'adolescence son obsession) décevrait. Tout comme il serait complètement à côté de la plaque de lui reprocher ses ambitions : sa grande force, en même temps que sa naïveté lyrique revendiquée, est justement de ne rien se refuser. De s'offrir des personnages et des lieux originels pour les porter dans leur tragédie. De se payer des Dieux et des Lacs dont on sait bien qu'ils sont aussi des pauvres racailles perdus à vie dans une cité lugubre. Tout cela se vaut : la nuance est tout entière dans le regard. Et ce n'est rien de dire que celui de Gaël Morel bande pour ceux qu'il filme. Il les aime, tous, les uns comme les autres, pour leur contradiction et la façon dont trois frères chez lui ne feront jamais un totem unique, indifférent à la nuance, mais une addition de caractères.
Le film raconte-t-il autre chose que l'élan qui amène un cinéaste à poser sa caméra au centre d'un cercle d'hommes tout en essayant de porter à chacun la même attention érotique? Le seul reproche que l'on pourrait faire à Gaël Morel, c'est de continuer à vouloir coûte que coûte prendre le cinéma naturaliste français d'auteur comme la base sans laquelle il ne peut pas dévier comme il l'entend (c'est-à-dire vers un territoire dont on voit bien qu'il est tout entier américain, que ce soit le mélo de Douglas Sirk transposé à Annecy ou la manière d'un Larry Clark à qui Morel essaierait