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Libération
Critique

Dans l'ailleurs de Dreyer.

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Reprise en copies neuves de cinq films du géant danois, dont l'ultime «Gertrud», à redécouvrir.
publié le 30 juin 2004 à 1h15

Pour Dreyer, le cinéma était la forme d'art la plus parfaite avec l'architecture parce qu'«elle n'est pas une imitation de la nature mais un pur produit de l'imagination de l'homme». Cinq films du grand cinéaste danois ressortent en copies neuves restaurées : le Maître du logis (1925), Vampyr (1932), Jour de colère (1943), Ordet (1955) et Gertrud (1964). Exception faite du premier de la liste, qui appartient à la période muette et encore marqué par le naturalisme du théâtre bourgeois du XIXe siècle, l'oeuvre de Dreyer n'aura de cesse d'inventer pour et par le cinéma un langage propre, hypnose du poudroiement photographique dans Vampyr, stylisation hyperbolique du cadrage par la suite, acteurs articulant leur texte selon un rythme anormalement lent, longs travellings coulants sur des décors jansénistes. Très tôt, Dreyer réfléchit à ce qui serait une durée intrinsèque au cinéma et en particulier au cinéma parlant, la vitesse étant un tic résiduel du cinéma muet, «un temps où les films étaient munis de répliques imprimées. Entre les répliques, il y avait un vide, et les répliques étaient vides elles aussi, les personnages, pour combler ce grand vide, traversaient en vitesse les images, et les images traversaient en vitesse l'écran».

Plénitude. La parole a libéré le cinéma de cette frénésie de mécanique emballée par l'horreur du temps mort et du vide qui dévorait la fiction. La parole permet une plénitude du plan qui jusqu'alors n'existait pas. Elle donne et elle reprend : dans J