Bel été pour les amateurs de cinéma japonais. Alors que six merveilles épiques d'Akira Kurosawa sont à nouveau visibles en salles (1), ils peuvent découvrir une rareté aussi magnifique qu'inédite du méconnu Yasuzo Masumura : la Femme de Seisaku (1965). Si Masumura (1924-1986) est de la même génération que Nagisa Oshima et Shohei Imamura, son cinéma est moins engagé politiquement et plus raffiné esthétiquement. Ce qui le rapproche davantage de deux autres «petits maîtres» décadents des années 60, Seijun Suzuki et Kenji Fukasaku.
Avant de devenir cinéaste, Masumura fut un critique redouté, aussi frondeur que les jeunes Godard et Truffaut. En 1958, il partait en guerre contre une certaine tendance du cinéma japonais où le sentiment «signifie la retenue, l'harmonie, la résignation, la douleur, la défaite, la fuite». Dans le même texte (2), le futur cinéaste affichait son souhait de privilégier au contraire «la vitalité dynamique, le conflit, la lutte, le plaisir, la victoire et la poursuite». Partisan d'une «expression libre et directe», il ambitionnait de «décrire un homme fou qui exprime ses désirs sans honte et sans se soucier de ce que pensent les autres». A ceci près que, quand Masumura parle d'«homme», il faut plutôt entendre «femme». «Contrairement à l'homme, qui n'est qu'une ombre, la femme est un être qui existe réellement», expliquera-t-il, douze ans plus tard, dans un entretien aux Cahiers du cinéma.
Amour vache. Dans la Femme de Seisaku, Okane est l'une de ces héroïnes