François Truffaut aurait ardemment désiré que Jules et Jim fût son premier film. Par sa sensibilité littéraire et amoureuse, cette histoire qu'il définissait comme «un pur amour à trois» lui ressemblait. Mais il jugea plus sage d'attendre, tournant d'abord deux films à petit budget moins ambitieux, les Quatre Cents Coups et Tirez sur le pianiste. Ce n'est qu'en janvier 1961, ayant fait ses preuves, qu'il se lance dans l'aventure.
Il s'agit donc d'un ancien projet : l'adaptation du premier roman de Henri-Pierre Roché, paru en 1955 chez Gallimard, écrit par un vieil homme inconnu de 76 ans. Truffaut l'a découvert en 1956, fouillant parmi les occasions de la librairie Delamain, place du Palais-Royal, à Paris : «Dès les premières lignes, j'eus le coup de foudre pour la prose de Roché, ses phrases ultra-courtes faites de mots de tous les jours. L'émotion y naît du trou, du vide, des mots refusés, de l'ellipse même.» Truffaut rencontre alors Roché, qui vit avec sa femme dans une maison de Meudon. C'est un vieillard vif et mince, un dilettante ayant passé sa vie au milieu des femmes et des artistes. En novembre 1956, Truffaut propose une version d'un scénario de Jules et Jim acceptée avec enthousiasme par l'écrivain. Et quand il meurt à 80 ans en avril 1959, il a adoubé le choix de l'actrice principale : «Grand merci pour les photos de Jeanne Moreau. Elle me plaît et je suis content qu'elle aime le personnage ! J'espère la connaître un jour...», écrit-il une semaine avant sa dis