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Libération
Critique

Guédiguian, mystique de Marseille

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Avec Ariane Ascaride en sainte muette, «Mon père est ingénieur» oscille entre crèche catho et engagement coco. Un film audacieux et casse-gueule.
publié le 18 août 2004 à 1h48

Cela fait vingt-cinq ans qu'on les suit, et on se demande, devant Mon père est ingénieur, si ce n'est pas la dernière fois qu'on les voit. Leurs photos sont partout sur les murs. Des photos de famille, à tous les âges. Ce sont les comédiens de Guédiguian, son petit théâtre marseillais, Ascaride, Darroussin, Meylan, Roberts, Boudet, distribués d'année en année dans des rôles cousins. Mais bientôt leur mentor sortira un film tourné sur d'autres terres (Paris), avec d'autres acteurs (Bouquet), chassant un autre gibier (Mitterrand). Comme si, avant de réaliser le Promeneur du Champ-de-Mars, sur les derniers jours de Mitterrand, Robert Guédiguian avait voulu réunir une dernière fois ses amis pour son film «marseillais» sans doute le plus audacieux, le plus casse-gueule. Le plus fort.

L'âne et le boeuf. D'emblée, le monde de Guédiguian se déploie dans une crèche, suivant un récit qu'on suspectait chez lui mais qu'il n'avait jamais illustré si explicitement : les hommes sont des santons, son héroïne une sainte, et ils attendent la bonne nouvelle. Avec l'imagerie provenço-sulpicienne afférente : Ascaride fait Marie, Darroussin Joseph, l'âne et le boeuf s'engueulent en réchauffant la parturiante. On ne sait pas trop, alors, où le film va s'égarer, même si ses lumières et ses couleurs sont admirablement rendues par Renato Berta.

Légume. Mais brusquement le présent s'incruste, Ascaride quitte Marie pour Natacha, Darroussin, Joseph pour Jérémie, l'âne et le boeuf s'évaporent. Elle a perdu