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Interview

«Ce lieu réel n'existe pas, ou si peu...»

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Eté. Lieux mythiques. Alain Resnais, réalisateur de «l'Année dernière à Marienbad», tourné en 1961 :
publié le 27 août 2004 à 1h54

Quand on rencontre Alain Resnais pour évoquer Marienbad, un sourire s'esquisse sur ses lèvres. Et il s'excuse d'entrée : «Je n'ai pas grand-chose à dire. Dans l'Année dernière à Marienbad, c'est "l'année dernière" qui compte, pas "Marienbad". Je n'y ai jamais été, et pas une image du film n'y a été tournée. C'est un leurre. Le film est construit sur l'incertitude, sur des sensations. C'est sans doute cela qui a créé un mythe autour de lui, et l'a renforcé au fil des années. Mais, quarante ans après, je vous le confirme : Marienbad est une pure illusion...»

Dans le film tourné en 1961, écrit par Alain Robbe-Grillet, le mythe est lancé : dans un palace baroque, un homme (Giorgio Albertazzi) essaie de persuader une belle jeune femme brune (Delphine Seyrig) qu'ils se seraient connus et aimés «l'année dernière à Marienbad». La scène, en fait, est plus complexe. L'homme, qui est fasciné par le visage de cette femme, vu des dizaines de fois par fragments, par éclats, finit par lui dire : «La première fois que je vous ai vue, c'était dans les jardins de Frederiksbad...» Elle nie, ne se souvient de rien, n'y est jamais allée. Et monsieur X de répliquer : «Eh bien, c'était ailleurs peut-être, à Karlstadt, à Marienbad, ou à Baden-Salsa ­ ou même ici, dans ce salon.» Scène de drague en Bohême.

«Récit suspendu».

Alain Resnais reprend ses excuses, comme s'il était pris en flagrant délit d'imposture : «Il n'y a pas d'année dernière, et Marienbad ne se trouve plus sur aucune c