«Le passé ne passe pas», répète plusieurs fois Patricio Guzman dans son documentaire Salvador Allende, du nom du président socialiste chilien renversé par l'armée de Pinochet, il y a trente ans. Le passé ne passe pas parce que, pour beaucoup de Chiliens, torturés, forcés à l'exil, ou de familles de «disparus», assassinés par la machine de la répression, le temps s'est arrêté ce 11 septembre 1973. A cette date, le Chili a été chloroformé, cryogénisé dans une dictature construite autour de l'obscurantisme et la terreur.
Par les urnes. Le passé ne passe pas : il noue toujours les tripes. Guzman raconte avec ces tripes-là. Quand il filme et commente, il dit «je». Lui aussi a souffert de l'exil comme un «bateau à la dérive» , après avoir été enfermé dans le Stade national de Santiago. Là, il ne pensait qu'à «sauver les bobines» de sa Bataille du Chili, son deuxième documentaire de jeune cinéaste, sur l'expérience d'Allende, déjà. Guzman, et c'est tant mieux, ne fait pas un travail d'historien, ne prétend à aucune forme d'improbable «objectivité». Simplement, «Allende tient de plus en plus de place dans [sa] tête». Il veut savoir «qui était cet homme (...) à la fois révolutionnaire et démocrate», qui voulait atteindre le socialisme à travers les urnes, en respectant la Constitution, mais dont le gouvernement d'Unité populaire s'est heurté à un front de la réaction, droite, militaires, patronat, Washington...
Images d'archives dont celles du réalisateur , témoignages recueillis