Assez vive émotion, le 14 septembre au soir, lors de l'ouverture du cycle Antonioni à la Cinémathèque française devant la présentation du Regard de Michel-Ange (Lo Sguardo de Michelangelo) dernier court métrage antonionien en date, jusqu'ici uniquement montré à Cannes devant un public trié sur le volet. A Paris, la coïncidence veut que ce Michel-Ange nous arrive quatre jours après qu'Eros, l'avant-dernier court métrage très érotique M6 (dont on ne sait toujours pas s'il est sublime ou désemparant), ne se soit fait copieusement siffler à Venise. D'où les craintes, en dépit d'un sujet qui laissait augurer moins de crises priapiques gagas et plus de profondeur mortifère : un dernier face-à-face entre le cinéaste et le Moïse de pierre de Michel-Ange. Croisement renaissance mégalo d'égal à ego, ou poème sur le secret de l'art ?
Préposthume. Le film (15 minutes) commence sur un effet de rêve : une silhouette d'homme au visage maintenu dans la nuit entre dans une église aux perspectives écrasantes, digne d'un cauchemar peint par Chirico. On croit reconnaître Antonioni, mais cet homme qui marche ne peut être qu'une doublure. Et ce film qu'un rêve lointain, où une caméra muette enregistrerait l'échange silencieux qui s'établit entre le cinéaste (autopromu artiste éternel) et la statue, parangon de perfection.
Le coup de génie ici, c'est de tenir en une série de champ-contrechamp une ligne de force qui passe par la mélancolie des yeux du cinéaste. Antonioni le mutique est dévisagé par M