"5 mai 1955. En sixième, à Düsseldorf, j'ai 10 ans et je me prépare à une composition sur table. En inscrivant la date sur ma feuille, je m'aperçois qu'on est le 5 mai : 5/5/55... J'ai mis ce chiffre comme titre et j'ai expliqué que c'était la date la plus importante de ma vie. Puis j'ai écrit dix pages, une histoire dont je ne me souviens plus, mais assurément la plus longue dissertation que j'aie jamais composée. En revanche, je ne sais pas ce que j'ai fait le 6/6/66.
1966. Le jour de mon arrivée à Paris, descendant du train de nuit qui venait d'Allemagne, j'entre dans un cinéma. Je n'en ressortirai qu'à minuit, restant aux six séances de Bande à part de Godard. Le film était en moi et je ne l'ai plus jamais revu. Quand on me demande, près de quarante ans plus tard, quel est mon film préféré, je réponds toujours : «Celui que je n'ai pas vu depuis trop longtemps...» C'est une manière de désigner secrètement Bande à part.
1967. Rétrospective Anthony Mann à la Cinémathèque française. Ses westerns resteront à jamais ma leçon de cinéma. J'ai compris ce qui se passait entre un plan large et un plan rapproché. Quand je commence une scène délicate, je pense toujours à Anthony Mann.
1968. A Munich, je fume un cigare avec Godard. C'était pendant un entretien, pour la revue Filmkritik. Je l'écoutais et je fumais un cigare, un plaisir énorme. J'adore la voix de Godard, et plus encore le rythme de sa voix, et encore plus sa manière de sauter d'une idée à une autre avec une incroyable flui