Nankin, envoyé spécial.
Le jeune Chinois plein d'émotion serre fort le micro et dit : «En voyant ce film, j'ai eu honte d'appartenir à l'humanité ; mais en participant à ce débat, ça m'a rendu fier d'en faire partie.» C'est la découverte de Shoah, le film de Claude Lanzmann sur les camps d'extermination nazis, projeté pour la première fois en public en Chine, qui provoque son émoi. Nous sommes à Nankin, l'ancienne capitale de la Chine, ville martyre de la guerre sino-japonaise, et les images de la tragédie juive d'Europe ont ici une résonance particulière. Claude Lanzmann, venu présenter en personne son film dans quatre villes chinoises, n'a pas été insensible, en sens inverse, aux blessures de la mémoire chinoise.
Massacre. Nankin, en 1937, fut le théâtre d'un abominable massacre commis par les troupes japonaises en furie : 300 000 victimes en quelques semaines, selon le décompte chinois, contesté par un fort courant négationniste nippon. Le mémorial du massacre, à Nankin, est installé sur le site d'un charnier, et on y pénètre en traversant littéralement les squelettes des suppliciés visibles derrière une paroi de verre. Certaines photos y sont insoutenables : une femme enceinte éventrée après avoir été violée, ou cet incroyable cliché d'une décapitation pris au moment où le sabre a déjà tranché la tête, mais celle-ci n'est pas encore tombée au sol.
Claude Lanzmann a longuement visité ce mémorial qui, par bien des aspects, évoque celui de l'Holocauste, Yad Vashem, à Jérusalem