Comment l'Argentine a-t-elle pu voir sa dette passer, en une douzaine d'années, de 54 à 170 milliards de dollars? Comment un pays aussi riche, capable de nourrir 300 millions de personnes, en est-il venu à importer sa nourriture et à compter 35 000 morts de malnutrition par an? Comment la nation d'Amérique latine où les droits sociaux étaient les plus avancés a-t-elle bradé ses complexes industriels et énergétiques aux multinationales étrangères, ruiné son système de santé et d'éducation, précipité un cinquième de sa population au chômage et ses retraités à la rue?
Saccage explore cet envers cauchemardesque du «miracle économique» néolibéral, jadis attribué à la politique de Carlos Menem et de son ministre Domingo Cavallo (1989-1999), prolongée (1999-2001) par Fernando de la Rúa. Sidérante chronique de trahisons sociales, de politiques mafieuses et de dépeçage international, sur fond de carnaval médiatique (Menem, ses rouflaquettes, ses conquêtes), ce réquisitoire mené au pas de charge est un formidable pavé dans la vitrine de la mondialisation. Un de plus. Mais qui, par rapport aux opus de Michael Moore, suscite plus d'étonnement: comment pareille virulence contre les responsables reste-t-elle possible dans un tel pays? Méchante leçon pour nous. Et comment un tel brûlot parvient-il à garder cette tenue esthétique?
Car le plus surprenant, dans Saccage, c'est la puissance expressive de la forme. Autant qu'une démonstration coup de poing, c'est un véritable opéra, alternant, dan