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Libération
Critique

Blain d'émotions

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A Paris, les huit films du James Dean français, devenu cinéaste de l'injustice et de l'abandon.
publié le 6 octobre 2004 à 2h26

Un enfant se tient dans l'encadrement d'une fenêtre près de sa mère, en attente d'un geste qui ne vient pas. Un père, interdit de voir son fils après neuf ans de séparation, l'observe aux jumelles pour ne pas crever. Un jeune homme serre une dernière fois sa jeune soeur dans ses bras : «Faut pas pleurer Nathalie, faut se battre.» Face à la mer, une jeune fille se serre contre le jeune homme qu'elle aime et qu'elle ne verra plus, sa famille l'envoyant de force en Algérie. Des histoires de séparation pour une oeuvre en forme de réparation, par un cinéaste insurgé. Gérard Blain est mort en 2000 à 70 ans. A de rares exceptions près, ses huit films, tournés entre 1971 et 1999, n'existent ni en vidéo, ni en DVD et demeurent inconnus du grand public. Cette intégrale est une nouvelle tentative de provoquer une rencontre sans laquelle cette oeuvre unique demeure esseulée.

Beauté farouche. Blain et ses films ont souffert de beaucoup de malentendus. L'homme et l'oeuvre ont déclenché des polémiques, surtout politiques (si Blain est un homme de droite, vive la droite !), mais ce qui les caractérise tous deux, faisant le malheur de l'un et la beauté farouche de l'autre, c'est l'émotion. Celle qui submergeait Blain en public et nourrissait sa grande gueule anarchiste, celle qui reste contenue dans chaque plan de chaque film, comme un bâton de dynamite soigneusement emballé. Le cinéma selon Blain est immédiatement émouvant, ses thèmes sont universels (les familles en morceaux, la férocité de