Deux gars du Nord se sont mis en tête de filer jusqu'en Finlande, cette Belgique polaire, triste et pluvieuse, pour encaisser 6 millions de dollars auprès de la compagnie Aaltra, fabricant de tracteurs responsable selon eux de l'accident qui les a rendus paraplégiques. Commence un périple en noir et blanc, à 3 à l'heure, les deux limaçons sans le sou optant pour l'usage du fauteuil roulant que le plus malin des deux troque contre un siège électrique piqué à une grand-mère impotente. Ces anciens voisins, ex-ennemis médiocres, se découvrent alliés rageurs et pique-assiette magnifiques. Les deux innommables sont connus : Benoît Delépine et Gustave Kervern ont quitté un instant Groland, dernier bastion surréaliste et alcoolisé de Canal, pour écrire, interpréter et réaliser ce premier film. Sauf qu'espérer débusquer les deux Grolandais dans Aaltra reviendrait à se mettre dans la peau du Japonais découvrant avec horreur que Kitano est moins drôle dans Hana-bi que dans ses farces télé.
Après une ouverture trop longue, Aaltra prend promptement le visage d'une croisade hargneuse contre soi et le monde, une bienfaisante colère qui crache à la figure de la dépression et de la fatalité. La douleur de ne plus sentir son corps est admirablement rendue dans une scène, où Delépine se coupe avec nonchalance les ongles des pieds jusqu'au sang. Cette insensibilité offre aux deux héros un étrange salut sous la forme d'une hargne et d'un désir d'exister malgré tout qui font exploser le film en