Depuis le milieu des années 90, le cinéma iranien connaît un succès ininterrompu dans les grands festivals du monde. Le prix récemment décerné à Bahman Ghobadi à Saint-Sébastien pour son film sur les Kurdes réfugiés en Irak, Turtles Can Fly, est encore venu le confirmer. Politique du cinéma iranien, le livre en fait la thèse de la jeune universitaire Agnès Devictor, propose une intéressante immersion dans les rouages de la production iranienne depuis la révolution de 1979. Il permet de mieux comprendre pourquoi et comment des cinéastes a priori muselés par la codification stricte du régime islamique et la surveillance de la censure sont parvenus à réaliser des films de plus en plus ouvertement critiques et à s'imposer sur la scène internationale.
«Obscénité». Pourtant, quand le Shah est renversé, le cinéma n'est pas à la fête. Plus de la moitié des salles du pays, symboles du régime impérial, seront brûlées en même temps que les bars, les banques et les magasins de luxe. Les structures de production sont démantelées. Le genre farsi (les films populaires iraniens calqués sur ceux de Bollywood) est interdit car véhiculant des images impies, preuves de la «corruption morale» (fahshâ, traduisible aussi par «prostitution», «pourriture», «obscénité») de l'ancien système. Très vite, l'idée d'un cinéma islamique voit le jour mais, en dépit de textes et de projets cherchant à en définir les lignes de conduite, elle demeurera définitivement floue. Ce qui profitera aux censeurs pour