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Libération
Critique

Enfance sous silence

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Sur des gamins abandonnés, le «Nobody Knows» de Kore-eda fait froid dans le dos.
publié le 10 novembre 2004 à 2h57

Peut-on reprocher à un film qui a choisi le secret pour titre ­ personne ne sait, personne n'en doit rien savoir ­ d'être perpétuellement fuyant ? Est-ce qu'un film est vraiment obligé de tout donner d'emblée à son spectateur ? Et si c'était un peu à nous de courir après le film, d'aller à lui, de le débusquer là où il s'est terré ? Kore-eda est connu, et aimé (en tout cas ici), pour trois films que chacun s'entend à qualifier de déroutants, sinon obtus : After Life, Maborosi et Distance. Ce dernier, sorti en 2001, se tenait, depuis sa luminescence, si loin de tout, si loin de nous, que même ceux, rares forcément, qui étaient allés à sa rencontre doutaient de l'avoir réellement vu. C'étaient des films partis s'égarer au loin, qui de temps à autre envoyaient sous forme de plans des petites lumières dont on aimait l'idée d'en être les destinataires privilégiés, même s'il était embarrassant d'essayer de jeter dessus un peu d'éclaircies sémantiques.

Inattendu. Bref, on était avec le cinéma de Kore-eda comme en amour : perdu dans un brouillard heureux où le sens n'a plus sa place. Lorsqu'en mai, à Cannes, Nobody Knows ouvrit la compétition officielle, on ne reconnaissait plus notre hôte : le film, pour un peu, nous apparaissait trop limpide. Il présentait des atours séduisants et se permettait même d'en user. Comme tous les enfants de cinéma, ceux de Nobody Knows dégageaient immédiatement une fragilité, une tendresse et un charme partageable par le plus grand nombre. On songeait à