Jonathan Caouette, 32 ans, n'est ni fou, ni clown, ni créature, ni victime, même s'il s'excuse de ne pas vous regarder et de ne se pencher que sur ses cigarettes, qu'il fume avec frénésie. Il porte sa détermination à fleur de peau et s'exprime par flux continu, en jeune routard d'un cinéma tragique, qui est celui du mythe et de la catharsis. Contrairement aux voix de la promotion («un film à 200 dollars»), il n'est pas un enfant de la télé, encore moins de l'Internet et de l'autofiction, dont il se fout. Ses héros sont Todd Haynes et Gus Van Sant, les chemins cinéphiliques où la backroom rejoint Hollywood.
Quand avez-vous décidé que vous faisiez du cinéma, pas juste un journal intime en images ?
Cela remonte au temps où j'ai acquis ce désir pour le cinéma, cette culture à côté de la culture, que personne dans la famille où j'ai grandi, au Texas, ne pouvait me donner. La première chose que j'ai sue, c'est que je voulais être cinéaste. J'avais 6 ans. J'allais au cinéma avec mon grand-père et j'apportais un dictaphone, avec lequel j'enregistrais la bande-son du film. J'étais attiré par les aspects étranges de l'expérience cinématographique, comme les accidents ou les sauts de bobine. Après la séance, je courais au drugstore local et mon grand-père m'achetait des tonnes de papier et des crayons de couleur. Je m'amusais sans fin à dessiner les scènes grâce aux enregistrements. Au lieu de jouer à GI Joe ou Starwars, je m'enfermais pour écouter la bande-son et regarder mes dessins. C