Sur l'échiquier «critique et prospective», avançons ce pion : en 2004, le cinéma a commencé à reformuler la question du héros. Pour baliser le problème, on peut commencer par l'encadrer de deux films symboliques et tonitruants : Troie et Alexandre, superproductions néopéplumesques réanimant un héros antique (Achille et Alexandre le Grand) avec cet absolu manque de discrétion qui fait parfois le charme de l'industrie lourde. Les films de Wolfgang Petersen et d'Oliver Stone sont un peu les chiens de faïence du calendrier 2004 des grosses productions héroïques : ils se toisent et amusent la galerie, mais restent mutiques quant à leurs motivations profondes, cet étrange besoin concordant de ramener à la surface les figures les plus indiscutables de l'héroïsme, qui en fondent la notion même.
A leur manière paradoxale, les Indestructibles en disent plus long sur leur propre sort : le nouveau joyau Disney-Pixar, en train de casser la baraque globale, milite pour le retour des superhéros mis au rencart par un monde moderne aussi cupide qu'injuste. Toute la tribu des Indestructibles n'est là que pour venger l'honneur dévalué des superhéros qui ont pourtant brillé au firmament du cinéma, avant que les foules ingrates ne soient rassasiées de leur spectacle. Cruelle ironie : c'est sous une forme animée virtuelle que les Indestructibles viennent distiller leur prose virtuose de moralistes.
Car le cinéma peut continuer à se faire du souci pour ses héros : ils n'occupent plus la première pla