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Libération
Portrait

Weerasethakul, ô Joe, ô désespoir

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Rencontre à Bangkok avec un cinéaste de 34 ans qui se fait appeler Joe et consulte sa voyante avant Cannes.
publié le 24 novembre 2004 à 3h08

Bangkok envoyé spécial

Joe Weerasethakul a 34 ans. Il en fait douze. Joe s'appelle Apichatpong mais préfère qu'on l'appelle Joe, mister Joe. Joe est déterminé. Joe fait des films beaux à tomber. Joe croit aux fantômes. Il y croit absolument. Joe est fou. Mais d'une folie calme, rentrée, irrépressible. Tout sauf une folie douce.

Sinon, et comme on a pu en juger par ses déclarations contradictoires, Apichatpong Weerasethakul est un garçon charmant mais qui avoue ce qu'il veut et déclare ce qui l'arrange. Non pas qu'il s'oppose à toute conversation, bien au contraire. Pour ses hôtes, il affiche une volonté bienveillante, adore échanger des points de vue, s'inquiète de tout. Il ne rechigne pas à parler de lui, évoquant des anecdotes, des souvenirs d'enfance. Mais rien n'est plus amusant que de le voir louvoyer, détourner la conversation, minauder, jouer au chat et à la souris dès que les questions sur ses propres films se font trop pressantes. Appelez ça de la paranoïa, de la pose. On peut tout aussi bien y voir une façon pour lui de protéger son film du trop-plein de sens, du rayon de lumière qui risquerait de voiler l'image, porter atteinte à sa belle puissance obscure. Les films d'Apichatpong Weerasethakul sont des boîtes de Pandore à l'intérieur desquelles le cinéaste a enfermé de radiants secrets. Attention à ne rien trop dévoiler.

Griffe et caresse. Les locaux de Kick the Machine, la boîte de production de Joe, abritent aussi sa maison : c'est un petit pavillon dans une ruell